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Louis Gallois : « Les innovations sociales doivent beaucoup à l’action des associations »

Il a dirigé de grandes entreprises nationales telles que la SNCF, Airbus ou EADS et préside actuellement le Conseil de surveillance de PSA. Louis Gallois est resté fidèle à ses valeurs et ses convictions. Président depuis six ans de la Fédération des Acteurs de la Solidarité (FAS), il est aujourd’hui une des personnalités incontournables du monde de la solidarité, toujours en première ligne pour défendre les plus précaires.

Quelle serait votre définition de la solidarité ?

C’est une prise de conscience que l’autre existe, que chacun a besoin de l’autre et qu’il faut faire société. En fait, c’est le constat d’une communauté de destins entre nous et la solidarité est l’expression d’un vouloir vivre ensemble. Dans notre devise républicaine, c’est le terme moderne pour qualifier le beau mot de fraternité.

Quel est le rôle d’une ville comme Grenoble dans des pratiques de solidarité ?

Les villes sont en charge d’un certain nombre de services sociaux qui sont des modes d’expression de la solidarité. Elles ont une fiscalité, qui doit être aussi équitable que possible. L’équité est une partie de la solidarité. Les villes doivent également apporter leur soutien aux expressions de solidarité qui se manifestent sur leur territoire. Soutien aux associations : ce soutien pourrait être financier mais pas uniquement. Il peut consister à leur donner de la place dans les concertations ou la préparation des décisions, de les écouter, de prendre en compte leurs expressions souvent fondées sur leur connaissance des publics et des besoins.

Quels rôles doivent jouer les associations selon vous ?

Elles ouvrent d’abord la possibilité de travailler de manière collective, puisqu’elles sont là pour ça. Elles apportent bien plus encore : de l’engagement, de l’expertise, de l’innovation aussi. On s’aperçoit que les grandes innovations sociales dans notre pays sont très souvent dues aux initiatives qu’ont prises des associations. C’est une valeur ajoutée extrêmement forte.

Les associations, à partir de leurs points de vue, ont à exprimer leurs idées sur les politiques publiques. Ma fédération le fait régulièrement, lorsque, par exemple, elle s’exprime sur la réduction des crédits des centres d’hébergement et de réinsertion sociale. Il y a d’ailleurs des politiques publiques sur lesquelles nous avons le sentiment de peser, comme sur la pérennisation des places d’hébergement ouvertes pendant la période hivernale. S’il n’y avait pas les associations de solidarité, notre pays serait extrêmement dur et se replierait sur lui-même.

Sur quels terrains faut-il mettre en place des actions de solidarité ?

Nous avons actuellement un débat sur l’hébergement, sa baisse de qualité. Lors de notre congrès, nous avons insisté sur des éléments nouveaux. D’abord la prévention, pour ne plus être seulement dans la réparation : prévention du chômage, du surendettement et du mal-logement. Prévention sur le plan sanitaire, et nous insistons beaucoup sur la Protection Maternelle Infantile ou la santé scolaire, trop absente du plan Pauvreté. Nous pensons aussi qu’il y a des domaines où les associations sont insuffisamment présentes : la culture, les loisirs, le sport.

Un monde sans solidarité, c’est quoi ?

Je préfère expliquer ce qu’est une société moins inégale et plus solidaire : c’est une société plus démocratique et plus apaisée, car tous y participent. C’est une société qui a plus confiance en elle-même parce que ce sentiment de solidarité renforce, c’est une société plus optimiste, prête à s’engager dans des dynamiques de progrès. La Fraternité n’est qu’une partie de la devise républicaine et elle a été inscrite plus tard, rejoignant ainsi la Liberté et l’Égalité, mais cet ajout n’est pas anodin, il a été voulu. Parce qu’il n’y a de véritable citoyenneté que s’il y a de la solidarité.


Article publié dans Gre-Mag n°22 / Nov-Déc. 2018